Comment accueillir en tant que soignant l’angoisse dans un contexte de soins palliatifs ?

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Ressources | EMSP BEJUNE (BE) | 22 octobre 2024
Par Caroline Hofstetter, psychologue, CAS en soins palliatifs, Home Montagu la Neuveville et
Sonja Flotron, infirmière, clinicienne en soins palliatifs, EMSP BEJUNE




Chez l’humain, l’angoisse et la peur sont omniprésentes et ont contribué à l’évolution de l’être humain. Elles font parties des émotions primaires. Même si la peur est inconfortable, elle protège chacun contre les menaces qui nous entourent.

Dans le contexte de soins palliatifs, le patient, son entourage, mais également les professionnels peuvent développer un sentiment d’angoisse et un mal-être. Les causes sont toutefois souvent bien différentes. Chez le patient, l’angoisse peut être une phase normale durant la processus d’adaptation à la maladie ou être excessive et contre-productive si elle est trop prononcée (Neuenschwander et al., 2017). Tandis que chez le soignant, l’angoisse ou le mal-être est souvent lié aux valeurs et attentes de la profession et aux exigences de lui-même, telles que savoir agir, être efficace et performante et trouver une solution à chaque problématique. « La plus grande difficulté que rencontre probablement le soignant face à la souffrance est de ne plus savoir quoi dire, ni quoi répondre, ayant pourtant l’impression qu’il serait un déserteur s’il se taisait » (Cadoré, 1994, p. 47).

Dans cet article, nous allons tenter d’aborder l’angoisse du soignant.

L’image du sauveur colle souvent à la profession de soignant (Stiefel & Guex, 2008). La plupart des professionnels de la santé se représentent leur rôle de soignant en visant la guérison, vision mise à mal dans le domaine des soins palliatifs. Même si le soignant a intégré les principes en matière de soins palliatifs (OFSP & CDS, 2011), la confrontation régulière à la mort, à la souffrance du patient, au sentiment d’impuissance et au sentiment de culpabilité, ces aspects le fragilisent. Toutes ces émotions négatives sont souvent, en plus, refoulées par le soignant et peuvent ainsi générer de l’angoisse, angoisse qui peut mener sur le long terme à un épuisement professionnel (Gremaud, 2013).

Comment faire face à cette angoisse ? Nous pouvons ici tenter d’éclaircir avec quelques pistes:

  • L’angoisse peut être provoquée par des objectifs thérapeutiques et/ou de soins non atteignables. Mettre en place des objectifs atteignables diminue la pression et l’attente des professionnels.

  • Un soignant en soins palliatifs a un rôle d’accompagnateur et non de « sauveur ». Hormis une meilleure gestion des symptômes gênants physiques, le patient n’attend souvent pas une solution mais une présence, un accompagnement avec empathie sous forme d’écoute active. Si le patient souhaite un résultat et un geste concret, il va le verbaliser et à ce moment-là, nous pouvons clarifier ses attentes ainsi que nos possibilités et nos limites. Dans ce contexte de soins palliatifs, le soignant est ainsi amené à changer de regard, à accompagner le patient là où il est. Renoncer à « l’illusion de la maitrise totale » permet de garder une proximité juste avec le patient et son entourage.  Bien saisir les enjeux de ce milieu palliatif enlèvera ainsi une pression (Bigorio, 2010).

  • Prendre conscience de la présence de ses propres émotions, les nommer et tenter de les comprendre est essentiel pour pouvoir se protéger et se libérer. Une émotion identifiée et partagée, comme l’angoisse, permet au soignant de rester authentique et serein. « Les émotions sont le miroir de nos ressentis profonds, le reflet de nos espérances et le témoignage de notre humanité » (Académie de la Haute Performance). Accepter ses émotions permet de s’ouvrir vers l’autre et de créer des liens d’humain à humain.

  • Saisir toutes les occasions et possibilités d’augmenter son bien-être au travail et d’accroitre ses compétences par des expériences, des formations, des supervisions et des échanges entre membres de l’équipe interprofessionnelle. Chercher du soutien afin de ne pas rester seul face à une angoisse.

Le socle pour soigner des patients en situation palliative et se sentir utile, être satisfait, garder l’envie et le courage dans ce milieu est la conscience d’une des valeurs fondamentales des soins palliatifs: l’acceptation de la maladie et de la mort comme partie intégrante du cycle de la vie (OFSP & CDS, 2011). Être conscient de ce cycle n’enlève pas d’éventuelles inquiétudes et angoisses ni des moments de doutes et de découragement, mais cela permet d’accueillir plus sereinement la réalité.



Références bibliographiques



Illustration: image générée par Adobe Express

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